À l’occasion des 10 ans du dernier centre d’incendie et de secours, le 10 juin 2023, voici comment est né le corps des sapeurs-pompiers de Châteaubriant.
1815 : un règlement sans pompiers !
Le 6 février 1815, l’abbé de Montesquiou, ministre de l’Intérieur de Louis XVIII, invite toutes les villes de France à se doter d’un corps de pompiers expérimentés. En octobre 1815, la sous-préfecture renouvelle l’ordre au maire Martin Connesson d’organiser au plus vite une compagnie de pompiers. Le maire se renseigne à Nantes. Il reçoit un devis pour une « pompe garnie, toute équipée », de 3 358 francs, plus que toutes les recettes municipales de l’année !
Aussi, le 30 novembre 1815, en réunion du conseil municipal, le maire présente un règlement qui définit la composition et l’organisation d’une compagnie de pompiers. Dès le premier article, il est précisé : « quand les revenus de la ville pourront le permettre ». Ainsi, Châteaubriant se dote d’une « compagnie de pompiers pour les incendies », forte de 31 pompiers, organisée selon un règlement exemplaire. Mais il n’est pas question de désigner un seul pompier !
1835 : des pompiers sans pompe à incendie
Plus de 10 ans après ce vote mémorable, des propriétaires viennent solliciter du nouveau maire, Jean-Baptiste Lafond, l’ouverture d’une souscription volontaire pour l’achat d’une pompe à incendie. La souscription est ouverte, en juin 1826. Un an plus tard, le 3 mai 1827, Lafond avoue en séance du conseil municipal : « à ce jour, il ne s’est encore présenté personne » !
La nécessité de la pompe fait pourtant son chemin. Le 12 avril 1835, suite à une lettre du sous-préfet, Jean-François Normand, le conseil municipal consent à « prendre les mesures pour arriver à l’organisation du service comme précaution indispensable, et en cas de réussite de cette tentative, à l’acquisition d’un moteur hydraulique ».
La loi permet le recrutement de pompiers parmi les gardes nationaux, des citoyens de 20 à 60 ans, intéressés au maintien de l’ordre. Le maire, Félix-André Lebreton, y trouve rapidement des volontaires pour constituer une « subdivision de pompiers ». Dès le 24 mai 1835, le premier corps de sapeurs-pompiers de Châteaubriant est constitué de 27 noms.
1836 : voilà la pompe à incendie
Les élus votent un crédit pour acheter des casques et des baudriers. Un dénommé Lamazure, un poêlier ferblantier de la ville, est sollicité pour la fabrication d’une pompe à incendie. La réalisation de cette machine demande plus d’un an de négociations. Le maire s’adresse à la fois à Lamazure et à Gautron, deux ferblantiers de Châteaubriant. Le 20 septembre 1835, le conseil municipal vote, à l’unanimité, l’acquisition d’une pompe à incendie fabriquée par Lamazure, pour 1 420 francs. Par comparaison, à la même époque, le traitement annuel du secrétaire de mairie s’élève à 600 francs et celui de « l’instituteur mutuel » à 900 francs. La machine peut contenir de 500 à 560 litres d’eau qu’elle peut lancer au rythme de 200 litres à la minute, à une distance d’environ 25 mètres.
Quelques jours plus tard, arrive de Paris un projet plus avantageux. Un sieur Darasse, un négociant, propose un engin plus performant pour 1 230 francs. Le conseil municipal hésite car Lamazure baisse aussitôt son prix. Les tractations vont durer neuf mois pour choisir entre le modèle de Paris et la machine de Châteaubriant. Le modèle parisien l’emporte. Le 24 juin 1836, le citoyen Darasse fournit à la ville de Châteaubriant une pompe à incendie du dernier cri, qui peut lancer 300 litres d’eau à la minute, à plus de 30 mètres. Cette pompe à incendie ressemble à celle ci-dessus, conservée à Asnan, dans la Nièvre, au sud de Clamecy. Darasse fournit en plus une lance à deux orifices, 16 m de tuyaux en cuir de bœuf cousus avec du fil de laiton, 60 seaux en toile imperméable et une hache !
Les 27 membres du corps des sapeurs-pompiers ont été nommés le 24 mai 1835. Le règlement en vigueur est celui de 1815. À l’automne 1836, la compagnie reçoit la pompe à incendie. Pour être fin prête, elle lui reste à choisir ses chefs. Le 7 octobre 1836, les élections lui fournissent deux sergents et quatre caporaux. Le commandement du corps est confié au sous-lieutenant Lucien Delourmel, médecin. Ainsi naît, en octobre 1836, le corps des sapeurs-pompiers de Châteaubriant. Vingt-et-un ans ont été nécessaires pour réunir un règlement, des hommes et une pompe à incendie ! Commence alors une belle histoire d’hommes.